Pourquoi j’ai traduit Mein Kampf

André CALMETTES : « Pourquoi j’ai traduit Mein Kampf »

L’article d’André Calmettes – « Pourquoi j’ai traduit Mein Kampf » – est paru dans X information (Journal de l’École polytechnique) du 25 février 1934, page 223. Le voici :

« Je n’ai pas traduit Mein Kampf sans but ni raison. Ce pensum de huit cents pages, je me le suis infligé de bon cœur pour les miens et pour mes amis, mais aussi pour tous les hommes et pour toutes les femmes de bonne volonté, surtout pour les jeunes.

Je n’ai pas l’intention d’indiquer ici les conclusions que chacun doit tirer du livre ; autrement je l’aurais analysé et commenté, non pas traduit. Mais il ne me convient pas de laisser à la critique seule le soin de présenter mon travail ; je ne veux pas de malentendu sur mes intentions, ni les choisir après parmi toutes celles que l’on me prêtera.

Certes, cet ouvrage livré au public allemand en 1926-1928, jette une clarté singulière sur la politique allemande de l’après-guerre. En l’ignorant, nous satisfaisant de manière bien facile de révélations au compte-gouttes, nous étions ridicules et stupides ; nous découvrions des fragments minimes d’une vérité que l’on nous jetait au visage en huit cents pages serrées.

Certes aussi, les prophéties de cet ouvrage engagent l’avenir. La doctrine d’action politique, complaisamment développée, demeure actuelle. Le livre constitue le dogme du parti qui mène l’Allemagne actuelle, dogme d’une agissante majorité, dogme demain de l’Allemagne entière. Je dis bien dogme, et je pense au Coran.

Mais il faut bien se garder de restreindre la portée du présent ouvrage. Il ne faut pas suivre Hitler polémiste qui dit quelque part d’un livre qu’il juge révélateur de l’esprit des Juifs : “quand cet ouvrage sera devenu le livre de chevet d’un peuple, le péril juif sera conjuré”. Il ne faut pas lire Mein Kampf en se plaçant au point de vue d’un “péril allemand” ou au point de vue de notre seule mitoyenneté.

Il faut se mettre sur un plan largement humain. L’ouvrage même autorise à le faire. Il s’agit d’un document ample, tiré à près d’un million d’exemplaires en Allemagne, traduit dans plusieurs pays. Il a été écrit par un Allemand pour les Allemands, mais il touche des problèmes politiques, sociaux, et de morale, qui se posent à tous les peuples. La traduction en est intégrale : on n’a pas le droit, sur quinze ou sur cent versets du Coran, de parler de l’islamisme, ni, sur dix pages de Mein Kampf de parler de l’hitlérisme ; et la lecture des passages secondaires sera aussi féconde que celle des passages réputés essentiels.

Ainsi lu, cet ouvrage aidera à pénétrer la mentalité allemande, une des faces de cette mentalité anglo-saxonne que nous ne daignons pas étudier et comprendre, mais dont nous ne pouvons nous défendre de subir les manifestations ; attitude bornée et dangereuse : que l’on apprécie ce que nous a coûté depuis quinze ans notre incompréhension de l’Angleterre, des États-Unis, de l’Allemagne.

Mon travail aurait atteint son but dernier s’il tournait les Français vers ce problème. Mais on me parlera de la guerre : elle naît bien souvent de l’avidité de quelques-uns et de la peur d’une multitude ; elle ne saurait trouver de terrain plus favorable que celui de l’ignorance et de l’incompréhension mutuelles que j’ai voulu combattre. »

— André Calmettes, Journal de l’École polytechnique, 25 février 1934.

Ajouté en février 2022 par Jean-Christian Delay :

Si le lecteur du 21ème siècle doute de l’actualité des remarques d’André Calmettes, voici une phrase tirée du quotidien Le Monde il y a quelques jours : « Faudra-t-il qu’une guerre mondiale éclate pour que les grands médias audiovisuels français questionnent les candidats à l’élection présidentielle sur la politique internationale ? L’insistance sur les contraintes liées à la mondialisation a beau être devenue obsessionnelle, le traitement accordé aux autres pays n’a cessé de se dégrader – en temps comme en qualité. »

Autre remarque à méditer : En page 380, le traducteur [à savoir André Calmettes et son équipe] prend la décision qu’il annonce en note : « Nous traduisons ici, et nous traduirons désormais, en principe völkisch par raciste. »